- ADAM DE LA HALLE
- ADAM DE LA HALLEFils de Henri le Bossu, bourgeois aisé d’Arras, nommé parfois lui-même Adam le Bossu (en picard, Bochu ), né vers 1235, Adam de la Halle entreprit des études (peut-être à l’abbaye de Vausselles) mais revint à Arras où il épousa une certaine Maroie, que l’on considère, à tort ou à raison, comme l’inspiratrice de la plupart de ses poésies d’amour; il quitta quelque temps la ville (en 1262, ou vers 1275) afin de poursuivre ses études à Paris, mais peut-être contraint à cet exil par un conflit municipal. Entré, comme poète et musicien, au service du comte d’Artois, il le suivit dans l’expédition envoyée par le roi au secours de Charles d’Anjou, après les Vêpres siciliennes: c’est probablement à Naples qu’il mourut, entre 1285 et 1288.Il fut l’un des poètes importants du XIIIe siècle et le principal représentant de cette académie originale que fut, à Arras, la société du «puy».Son œuvre poétique comprend une partie musicale qui est de grande importance pour la compréhension de l’ars nova .Les Jeux apportent une nouveauté également intéressante: ils attestent, dès le XIIIe siècle, le besoin d’un théâtre dépourvu d’éléments religieux.L’œuvre poétique et musicaleSon œuvre se caractérise par sa diversité. Les inspirations qu’elle manifeste sont principalement polarisées par des éléments tirés de la tradition lyrique des trouvères. Pourtant, Adam se situe aux confins de cette esthétique et d’un ars nova dont il est l’un des premiers créateurs, d’où une certaine dualité, et parfois l’ambiguïté de sa poésie. On y peut distinguer un type de poème artificiel, formant un monde clos, constitué par la modulation du chant selon un registre d’expressions (motifs, métaphores, vocabulaire) plus ou moins figé, aux parties autonomes et où l’originalité réside dans le réarrangement d’éléments formels. Il s’y oppose un type ouvert à l’allusion autobiographique, à l’anecdote, au témoignage personnel, et de forme moins concentrée, plus discursive, comportant un déroulement progressif.Essentiellement lyrique, cette œuvre comprend une importante partie musicale, monodique et polyphonique. S’agissant de la monodie, on connaît une trentaine de chansons de type courtois conventionnel, reprenant presque toutes le thème de la «fine amour», et une vingtaine de «jeux partis», échanges de couplets sur un thème amoureux donné. C’est dans le domaine de la polyphonie qu’Adam fait vraiment œuvre originale: quelques motets à texte profane sur teneur liturgique, de facture traditionnelle, font d’Adam le premier trouvère à être en même temps «déchanteur»; il faut y ajouter seize «rondeaux», en comprenant également sous ce nom virelais et balettes. Les rondeaux comptent parmi les monuments les plus importants de la musique du XIIIe siècle; ils constituent de petits chefs-d’œuvre de poésie allusive, dépouillée de toute charge didactique ou descriptive, et conservent de la convention courtoise la seule transparence d’un langage parfaitement adapté à son contenu.Adam nous a laissé trois poèmes non musicaux, en strophes dites «d’Hélinand» (douze octosyllabes rimés aabaabbbabba ), surtout intéressants par la relative nouveauté de leur forme: les Vers de la Mort (fragment) développant un thème moral traditionnel, l’éloquent Dit d’amour , sans doute antérieur à 1262, qui se range dans la tradition des palinodies courtoises, et un Congé , l’une de ses œuvres les plus «modernes». Adam l’a composé à l’occasion de son départ d’Arras, selon un modèle qui semble avoir été propre à la tradition arrageoise du XIIIe siècle: nous possédons deux autres «congés» de ce temps, qui ne sont peut-être pas sans rapport avec le futur genre du «testament». Celui d’Adam est fait d’une série de variations sur le thème de la séparation (d’avec ses amis, sa dame, ses ennemis) et mêle des éléments traditionnels de l’éloge courtois au motif de la « clergie » (l’étude, opposée à l’amour) et à diverses allusions à la vie municipale.Un théâtre non religieuxDans les mêmes circonstances, sans doute, Adam composa, pour une confrérie locale, un Jeu de la Feuillée dramatique qui pourrait être l’ancêtre des «sotties» du XVe siècle. On l’a comparé à nos «revues» modernes: ce n’est là que l’un de ses aspects. Trois éléments thématiques s’y nouent en un dialogue assez décousu, illustré de quelques refrains chantés: le motif burlesque de la folie qui embrasse le monde; une suite d’interventions grotesques ou de tirades satiriques concernant des personnages ou événements arrageois (l’auteur se met lui-même en scène ainsi que plusieurs de ses concitoyens); et la fiction folklorique d’une visite nocturne des fées dans la ville.Le Jeu de Robin et Marion , d’un type très différent, date probablement des années napolitaines d’Adam et constitue une sorte de divertissement de cour: les thèmes traditionnels des « pastourelles » lyriques (rencontre d’un chevalier et d’une bergère; vaine tentative de séduction; fête paysanne et amours champêtres) y sont mis en dialogues, animés par la chorégraphie, le chant (quatorze intermèdes musicaux), la mimique. Cette œuvre exquise nous est parvenue précédée d’un bref et peu intéressant Jeu du Pèlerin , prologue probablement posthume qui peut avoir été ajouté à la pièce lors d’une reprise à Arras. Les deux «jeux» d’Adam sont les plus anciens exemples français d’un théâtre entièrement dépourvu d’éléments religieux: ils témoignent de la montée, au XIIIe siècle, d’un besoin dramatique qui s’épanouira aux XIVe et XVe siècles.Les fonctions occupées par Adam à Naples l’amenèrent peut-être à entreprendre un poème à la gloire de Charles d’Anjou. Conçu selon le schéma formel de «laisses» de longueur égale (vingt alexandrins rimés), il prend pour modèle les chansons de geste, genre qui, vers 1280, était d’ores et déjà archaïque. Cette Chanson du roi de Sicile resta inachevée, et s’interrompt après la laisse XIX.Adam de la Halle ou Adam le Bossu(v. 1240 - v. 1285) trouvère français. Auteur du Jeu de la feuillée et du Jeu de Robin et Marion.
Encyclopédie Universelle. 2012.